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Résumé des rapports d’évasion WO 208/3313/1279 du Sgt W J Barber et WO 208/3313/1280 du Sgt J W E Lawrence par J-L Maillet (source: Archives Nationales de Kew UK): Le rapport commun ne donne aucune indication sur le crash du 17 près de Void. Il commence avec l’arrivée des trois fugitifs le 21 au soir à Bar-le-Duc soit quatre jours plus tard. Ils sont cachés dans un hôtel tenu par une dame « Kiki » qui leur donne à chacun …. une paire de chaussures.
Le 26 avril, deux membres du réseau Pat O’Leary très mal en point (1) , René Gérard (*) et Roger le Légionnaire (2) , viennent chercher les trois aviateurs pour les conduire à Paris en train. Ils logent à Montmartre chez un coiffeur dont l’épouse a été tuée au début de la guerre dans un bombardement. Le lendemain matin départ en train pour Tours avec leurs deux accompagnateurs puis l’après-midi en car jusqu’à Loches où M. Gérard les emmène chez lui. Là ils rencontrent Jean-Claude Camors (3). Les aviateurs sont d’abord cachés dans un orphelinat aux abords immédiats de Loches puis, le 30 avril, sont déplacés à Genillé (à une dizaine de km au NE) dans le château de la Bourdillière. C’est la propriété des époux Legrand (*), acteurs tous les deux. Barber reste sur place mais Lawrence et Durant sont cachés dans une ferme inoccupée où une femme d’environ 50 ans de prénom Eve vient les ravitailler quotidiennement.
Le 10 mai, Gérard et Roger récupèrent les fugitifs et retournent à Loches. Camors, qui va les accompagner pour passer lui-aussi en Espagne a préparé la suite du voyage : cartes d’identité, portefeuilles avec contenus typiquement français. Le lendemain, les deux accompagnateurs laissent Camors et les trois aviateurs en gare de Châteauroux. Camors confie alors à ses compagnons qu’il suspecte Roger de trahison et qu’il va être nécessaire de l’éliminer …
Les quatre partent pour Toulouse et passent la nuit dans un wagon car prendre une chambre d’hôtel est jugé dangereux. Le lendemain 12 mai direction Perpignan. Après le repas pris dans un hôtel, comme la veille à Toulouse, il est préférable de ne pas s’y attarder. Le groupe trouve refuge dans un garage pour passer la nuit. Le matin suivant, ils sont sortis de leur cachette enroulés dans des pièces de tissus et mis dans un camion. Emmenés en dehors de Perpignan, ils sont laissés en pleine nature dans une vigne. C’est le départ pour la traversée des Pyrénées. Le Tech est franchi près de Ceret avant l’aube. Attente dans une ferme de l’arrivée d’un second guide. Le soir même, le groupe prend la route du Boulou - Figueras (col du Perthus) tout en sachant que la présence allemande y est régulière. Après une première alerte, Barber aperçoit au cours de la nuit les deux guides qui marchent en éclaireurs devant eux parler avec une patrouille allemande. Les deux soldats qui voient aussi le groupe en retrait lui ordonnent de s’arrêter et ouvrent le feu. Le mitrailleur Durant, peut-être blessé, est arrêté. Barber, Lawrence et Camors parviennent à disparaître et ne reverront pas les deux guides. Ils rejoignent la route de Figueras après avoir franchi la frontière par un détour dans la montagne. Le 15, ils sont arrêtés sur la route par la Guardia Civil. Après un interrogatoire, au cours duquel les aviateurs ne déclinent que leur appartenance à la RAF, une prise d’empreintes et de photos, ils sont mis en prison à Figueras. Leur demande pour entrer en contact avec le consulat de Barcelone reste sans effet. En prison, ils retrouvent Cox (fiche n°2490). Après la visite d’un représentant du consulat de Barcelone, ils sont transférés à Gérone dans une autre prison le 26 mai. Un officier de l’armée de l’air espagnole emmène le groupe le 29 à Barcelone puis ce sont les étapes classiques : le 30 mai, Alhama de Aragon, le 2 juin Madrid où ils restent à l’ambassade jusqu’au 14 juin. Séville puis Gibraltar en voiture le 16 juin, toujours avec Camors qui les quitte à ce moment là. Il sera à Londres le 21 juin. (4) -------------------------------------
(1) En ce printemps 1943, la Gestapo mène une lutte impitoyable contre les réseaux d’évasion en y infiltrant des agents. La ligne Pat O’Leary, déjà malmenée en 1942 (voir fiche n°5534 et la trahison d'Harold Cole) est pratiquement démantelée avec les arrestations de la majorité de ses cadres à Paris, Toulouse et Marseille.
(2) Roger Leneveu ou Le Neveu, dit le Légionnaire, fut engagé par le réseau Pat O’Leary en 1942. « Vertrauen Mann » (homme de confiance) de la Gestapo, il vient de contribuer, le 13 février, à l’arrestation à Saint-Pierre-des-Corps de Suzanne (*), l’épouse de René Gérard, qui convoyait avec Louis Nouveau (*), autre responsable du réseau, un groupe de 5 aviateurs américains (fiche n°2495 : B17 41-24584). Un mois plus tard, le 2 mars, il fait arrêter à Toulouse Albert Guérisse, le patron du réseau Pat. René Gérard ne sait évidemment rien des basses œuvres de son collègue. Le travail destructeur de l’individu va se poursuivre par l’arrestation de dizaines de personnes. Il sera exécuté par des hommes du maquis du Mont-Mouchet un an plus tard, en mai 1944 sans que les maquisards aient eu la preuve indiscutable de son identité. D’autres sources - sous réserve - avancent aussi son exécution par les miliciens d’un mouvement auquel il appartenait quand ils se sont rendus compte que Leneveu livrait des renseignements sur eux à la Gestapo. (lesamitiesdelaresistance.fr)
(3) Jean-Claude Camors, 23 ans, évadé de France en 1942, avait signé un engagement dans les FFL à Londres.
D’abord envoyé à l'Ecole des Cadets de la France Libre, il est affecté au Bureau Central de Renseignements et d'Action (BCRA), les services secrets de la France Libre et suit un entraînement spécifique dans un centre de formation des agents secrets. Dès 1940, le BCRA cherche à s’affranchir de la tutelle de l’Intelligence Service en créant ses propres réseaux en France. Au moment des faits, Camors arrive de Londres pour sa première mission, déposé par un Westland Lysander - Photo du site www.avionslegendaires.netLysander, le 19 avril, sur le terrain des Fontaines, près de Luzillé à une quinzaine de km au nord de Loches. Sa mission : installer un réseau d’évasion par mer via la Bretagne, plus rapide que par l’Espagne, filière qui va prendre le nom de Bordeaux-Loupiac.
(4) De nouveau déposé en France le 04/07/1943, Camors s’emploie à étendre son réseau sur la Bretagne.
A noter que le bateau de pêche de Camaret qui doit assurer les exfiltrations porte le nom de « Suzanne-René » comme les prénoms du couple Gérard. Le 11/10/1943, alors qu’il est en réunion dans un café de Rennes, Leneveu fait irruption par hasard ou sur dénonciation. Dans les échanges de coups de feu qui s’ensuivent, Camors est grièvement blessé. Récupéré par les allemands, son corps ne sera jamais retrouvé.
Mort pour la France, Compagnon de la Libération.
museedelaresistanceenligne.org - www.ordredelaliberation.fr ---------------------------------
(*) Statut des hébergeurs et autres personnes citées à partir de :
1 - Mémoire des hommes du SHD
2 - liste des hébergeurs français du site helpers of allied airmen
- Gérard René: le SHD détient le dossier de René André Léon Gérard de Bar-le-Duc, huissier à Loches, comme membre du réseau Pat O’Leary - Gérard est arrêté par la Gestapo et déporté le 08/08/1944 par le convoi I.260 à destination de Sarrebrück puis Buchenwald où il est assassiné (voir fiche) le 05/10/1944. Mort pour la France,. Lui et son épouse Suzanne sont cités comme hébergeurs à Paris et non à Loches.
- Gérard Suzanne (née Renaud à Paris) : le SHD détient son dossier comme membre du réseau Pat O’Leary - Elle est arrêtée par la Gestapo en février 1943 lors du convoyage de 5 aviateurs américains et déportée le 31/01/1944 par le convoi I.175 à destination de Ravensbrück, Neuegamme, puis Bergen-Belsen - libérée le 15/04/1945.
- Nouveau Louis (Saint Jean) le SHD détient son dossier comme membre du réseau Pat O’Leary - arrêté avec Suzanne Gérard - déporté par le convoi (I.172) parti de Compiègne le 22/01/1944 à destination de Buchenwald (voir fiches) - libéré le 11/04/1945.
- Epoux Legrand : Claude Marie Eugène Legrand alias Dauphin, le SHD détient son dossier comme membre des FFL - a travaillé avec René Gérard puis a rejoint Londres en 1942 pour s’engager dans les FFL. Claude Dauphin jouera son propre rôle comme officier de liaison de la 2e DB dans le film « Paris brûle-t-il » de René Clément.
Son épouse, Rosine Deréan, de son vrai nom Schlotterbeck, également engagée dans la Résistance sera arrêtée quelques mois plus tard et déportée au camp de Ravensbrück (www.bddm.org) d’où elle reviendra en 1945. Les deux sont cités comme hébergeurs à Genillé.
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